Une anecdote racontée dans les veillées au 19è siècle

                                                                                   LA PIMPARELLO DU MOULIN DE LA JORLE.
A l’occasion de vos randonnées le long de la Jorle, vous avez certainement remarqué des ruines qui se trouvent à cinquante mètres environ en aval du pont de Menjole. N’approchez pas trop de la gourgue, ne faites pas comme le dernier meunier qui s’y est noyé il y a environ deux cents ans. La gourgue… c’est le bassin, encore très visible qui recueille les eaux pour alimenter le moulin.
A cette époque le moulin était habité par un vieux meunier et sa femme. Ils n’avaient eu qu’une fille, jolie et délurée : « poulido comme une rose, balento comme une abeilho, dégourdido comme un rat esquiro. » On lui avait donné le surnom de La Pimparelle, une jolie fleur qui pousse dans nos prés : le narcisse.
Cependant, les années passaient, la Pimparello ne trouvait pas de mari et devenait la risée des voisins qui fredonnaient en s’en retournant du moulin :
La Hillo de la Jorlo
Cadun la banto, digun la bo.
Enfin un voisin, un veuf qui avait eu d’un premier mariage un enfant alors âgé de quinze ans, lui fit la cour, fit sa demande et le mariage fut célébré.
Le garçon qui s’appelait Jeanty, était d’humeur sombre et taciturne et très attaché à son père. Les allures de sa marâtre lui déplaisaient fortement et le mariage de son père le rendit encore plus triste. Il alla se placer dans une ferme voisine comme valet.
Le père Josillo travaillait tellement au moulin qu’il tomba malade. La belle meunière fut contrainte d’embaucher une aide, elle choisit lou Perdigat, un homme fort et robuste, franc braconnier et aimant faire la noce.


Un jour, on vint annoncer à Jeanty que le pauvre Josillo, son père, était tombé dans la gourgue et s’était noyé. Il fut inhumé à Moirax, dans le cimetière de Monge.La gourgue, état actuel
Mais Jeanty ne se consolait pas de cette perte et pensait que la jalousie et la malveillance n’étaient pas étrangères à cet accident. Il ruminait un sombre projet.
Par une nuit sans lune, il sort armé d’une bêche et d’une lanterne, se rend au cimetière, tire le cadavre de son père du cercueil et le charge sur ses épaules. Il descend le coteau comme un fou, arrive au moulin, ouvre la porte et trouve sa marâtre et le Perdigat dans le même lit. Il jette le cadavre de son père sur le lit. Le Perdigat tente de fuir, mais il glisse, trébuche et tombe. Alors Jeanty lui met le pied sur la poitrine et crie : « - Avoue donc que tu es un assassin ! » D’un coup de bêche il lui fend le crâne et le tue net.
La Pimparello, terrorisée, implora le pardon. Mais Jeanty ne voulut rien entendre et l’assomma d’un coup de poing. Avec une corde, il lia ensemble comme un fagot, le corps de la Pimparello et le cadavre du Perdigat. Puis il éteignit la lanterne, sortit, ferma la porte et jeta la clé dans la gourgue. Il s’en alla loin très loin, si loin qu’on ne le revit plus jamais…
Le lendemain quand les clients vinrent pour faire moudre leur grain, ils trouvèrent la porte fermée. Ils se décidèrent à l’enfoncer et ils découvrirent dans le moulin deux cadavres et la Pimparello attachée, le regard fixe et sans expression. On dit qu’elle en resta folle et muette.
Telle est l’histoire macabre du moulin de la Jorle. Est-ce pour cette raison qu’il a été laissé définitivement à l’abandon ? On peut le supposer…
MS
Ce texte a été écrit d’après un récit que rapporte le chanoine Dubourg dans son livre édité en 1908 : Histoire du Doyenné et de la paroisse de Moirax du XIème au XXème siècle.